Place aux volontaires
A home movie
de Kate Reidy
documentaire – 2000 – 80 min. – parlé français avec sous-titres anglais
première au Festival « Vision du Réel » à Nyon, avril 2000
Générique
réalisation, scénario: Kate Reidy
image: Abel Davoine
images d’archives: Damien Schmocker, Azzuro Matto, le théâtre de l’Usine
son: Miny Dévé
montage: Orsola Valenti, Kate Reidy
mixage: Martin Stricker
avec la participation de: François-Christophe Marzal, Romed Wyder, Abel
Davoine, Léo Witschi-Guertin, Olivier Tardy, Mathieu Grillet, Yann Gioria,
Damien Schmocker, Michel Albasini, Nicolas Rieben et Didier Bufflier
Production et distribution
production, distribution, droits mondiaux: Kate Reidy
soutien financier: DAC de la Ville de Genève, DIP du Canton du Genève, Loterie Romande
Formats de diffusion
Beta Sp (4:3, pal, son mono)
Beta Sp (4:3, pal, son mono, s.-t. angl.)
Synopsis français
Ce film retrace le parcours de sa réalisatrice au sein du centre culturel alternatif genevois, l’Usine. La réalisatrice choisit le fil rouge autobiographique, le commentaire se conjugue à la première personne du singulier. On la suit pas à pas dans un parcours initiatique qui va de la simple militance à la coordination des différentes associations qui hante ce bâtiment.
Film patchwork, mêlant archives du lieu, extraits des films présentés dans le cinéma de l’Usine et des interviews des acteurs de l’Usine.Chacun s’exprime sur sa vision de la vie associative, sur l’éventuel décalage entre la réalité du présent et les idéaux de départ, sur les bonheurs et les difficultés qui font le quotidien de ce type de structure.
Synopsis english
The film retraces its director’s path during her time at the heart of Geneva’s alternative culture centre, the Usine. The director uses an autobiographic approach as the film’s » red thread « ; the narrative is in the first person singular. We follow in her footsteps as she progresses along a path of initiation, from being simply anactive member to coordination of all the various associations clustered around this building.
A film patchwork mixing the Usine’s own archives with the extracts of films screened in its cinema as well as interviews with members of the Usine family. Each interview reveals his or her own vision of life within an association, on the possible gap between what is actually happening with the initial goals, on the joys and difficulties that are the everyday lot of this type of structure.
Nic Ulmi à propos du film
Au tout début et vers la fin, le film vous remet deux clés: l’une pour entrer, l’autre pour sortir. La première est une remarque du prince-écrivain Joseph de l’île de Lampéduse, reprise par don Luchino, cinéaste et comte de Modrone: « à quoi bon vivre dans un château, si c’est pour en connaître toutes les pièces ? » L’enjeu pour Kate Reidy, qui filme ici la citadelle culturelle off où elle s’est investie pendant une dizaine d’années, n’est donc pas tant de tout connaître que de s’installer au coeur d’un mystère. C’est ainsi que, 80 minutes plus tard, après en avoir appris de toutes les couleurs sur l’Usine, centre culturel alternatif en forme de charade et réservoir d’images inépuisable, vous serez contraint d’en conclure que ce lieu demeure foncièrement, irréductiblement énigmatique. La seconde clé est le monologue d’un cinéaste US exilé dans une salle de bain à Berlin, une histoire de vieux militants, de livres et d’étagères. Kramer filme Robert, qui s’interroge sur ce qui reste des pages et des images avalées au cours d’une vie. A l’arrivée, l’histoire dit surtout ceci: on filtre ses expériences en fonction du rôle qu’on s’attribue dans les fictions qu’on joue. Kate dit ne pas savoir ce qu’elle a filtré de son parcours dans l’Usine, mais elle nous livre, à coups d’extraits de films programmés à Spoutnik, un trailer convaincant de la fiction qu’elle s’est jouée: tour à tour jeune fille éblouie par la vitesse et par les lumières sur un carrousel de luna-park, exploratrice péroxydée tombée aux mains d’un King Kong femelle, reine rousse en robe à cerceaux distribuant à sa cour des gifles littéralement renversantes.
Si le film vaut la peine, c’est donc avant tout parce que, docu-mental plutôt que documentaire, il nous montre ce qui se passe dans la tête de Kate lorsqu’elle revit sa traversée de l’Usine. C’est souvent très drôle, parce que Kate aime jouer, et à l’arrivée assez mélancolique et grave, parce que cette fille est toujours aux prises avec un enjeu, une urgence, un ressort caché. Par exemple, elle ne peut quitter l’Usine, et ne peut achever son film, sans se dire que ce lieu est aussi, par tout ce qui s’y expérimente, un laboratoire de changement social et politique. Ce qui est, dans un sens, forcément vrai, puisque cela fait partie de ce qu’elle a filtré de son voyage. Ainsi, comme l’agent X de New Rose Hotel – un des films sauvés par Spoutnik de l’oubli des distributeurs -, l’agent K de Place aux Volontaires se repasse mentalement les rushes d’une histoire achevée pour comprendre ce qui s’est vraiment passé. Persuadée que la vérité est toujours ailleurs. Dans la manière dont un geste anodin prend parfois dans ce lieu des dimensions épiques, comme dans l’extrait halluciné du virtuose du found-footage Martin Arnold. Dans quelques instants d’une grâce sidérante: Franz des Young Gods qui fait la mouette, Xavier de Frutos qui danse le Sacre du printems en pélerine de coiffeur dans un couloir, une vue plongeante sur un Boulevard des Hits transformé en aquarium féérique grâce au son coupé. Dans les moments où on décroche: la caméra qui tombe, à deux reprises, ou Kate qui se déconnecte du discours en roue libre de ses témoins pour s’arrêter et regarder leur visage… Lorsqu’elle sort enfin des murs et regarde le lieu de l’extérieur, sous une pluie grise, derrière de petites pyramides disséminées sur un barrage enfoui sous terre, dans une lumière aux frontières du réel, on jurerait que l’Usine a été placée là par les aliens et on se demande : quelles étranges relations cet univers parallèle entretient-il avec le monde ?